Une publication dans Advanced Materials

Les propriétés surprenantes des biominéraux



Une étude internationale dirigée par le MIT et l'Université du Wisconsin-Madison, à laquelle ont participé plusieurs chercheur·euses des laboratoires MBBM et FOCUS de l’Université de Liège, dévoile la structure décalée des cristaux de coraux et de coquillages. Une découverte qui pourrait permettre de développer de nouveaux matériaux bioinspirés, ultra résistants et n’exploitantqu’un seul type de matériau. Cette découverte fait l’objet d’une publication dans la revue Advanced Materials.

L

es biominéraux sont des composites organiques minéraux formés par des organismes vivants, tels que les coraux et les coquillages. L'évolution a permis à ces biominéraux de développer des structures fascinantes qui comptent parmi les tissus les plus durs et les plus résistants de la nature. Comprendre ces biominéraux peut nous apporter des connaissances cruciales afin de développer des designs bioinspirés en ingénierie. Alexandra Tits, Astrid Cantamessa, Laura Müller et Davide Ruffoni du laboraroire MBBM (A&M / Faculté des Sciences Appliquées) ainsi que Yann Delaunois et Philippe Compère de l'unité de recherches FOCUS (Faculté des Sciences) de l’ULiège, ont participé à une étude internationale menée par le Massachussetts Institute of Technology (MIT) et l’Université du Wisconsin-Madison. Ensembles, les chercheur·euses ont découvert que certains biominéraux tels que les squelettes de coraux et le nacre, partageaient une caractéristique similaire : leurs cristaux adjacents sont orientés légèrement différemment..

Biomateriaux recherche D. Ruffoni

Le squelette de plusieurs biominéraux, comme par exemple les coraux, présente une légère différence d’orientation des cristaux adjacents, comme le montre la carte de couleur représentant l’orientation de ces cristaux. L’impact de cette observation sur les propriétés mécaniques des biominéraux a ensuite été mesuré expérimentalement grâce à la nanoindentation, ainsi qu’en développant des simulations à l'échelle atomique. ©ULiège/Biomat

« Cette étude a révélé que les cristaux adjacents des biominéraux présentaient une légère différence d'orientation, explique Davide Ruffoni, directeur du laboratoire MBBM de l’ULiège, et nous avons proposé de réaliser une analyse moléculaire du renforcement engendré par ce décalage dans plusieurs espèces de biominéraux ». Pour ce faire, les chercheur·euses ont combiné plusieurs méthodes. De la cartographie par imagerie de contraste dépendant de la polarisation (PIC mapping), qui a été réalisée en premier à l'Université du Wisconsin-Madison, a permis de révéler et quantifier ce décalage des cristaux à l’échelle nanométrique. Ensuite, des expériences de caractérisation mécanique ont été effectuées à l'Université de Liège afin d'évaluer le renforcement procuré par ce décalage. « Plus spécifiquement, le comportement à la fracture des échantillons a été évalué localement grâce à de la nanoindentation, une technique qui permet de mesurer précisément les propriétés mécaniques des tissus et induire des fissures, corrélée à une analyse d'images de microscopie électronique afin de visualiser et caractériser ces fissures », reprend Davide Ruffoni. Ces techniques ont ensuite été combinées avec des simulations à l'échelle atomique, réalisées au MIT. Cette analyse multimodale et interdisciplinaire a ainsi permis de démontrer qu'un renforcement basé sur une légère différence d'orientation de cristaux est une stratégie universelle afin de construire des matériaux incroyablement résistants tout en exploitant des composants intrinsèquement fragiles. 

« Cette découverte peut être exploitée pour la synthèse de nouveaux matériaux bioinspirés ne nécessitant qu'un seul type de matériau, non limités à des architectures pyramidales spécifiques, et pouvant être facilement réalisés par assemblage automatique de molécules organiques, de polymères, de métaux ou de céramiques, bien au-delà des biominéraux, se réjouit Davide Ruffoni. « Il s’agit d’une nouvelle voie dans le design et la fabrication d’une future génération de matériaux qui surpasseront les limitations des composites d’ingénierie. En effet, ces derniers combinent traditionnellement deux composants dissemblables (de la céramique et des polymères par exemple), et souffrent par conséquent d’un compromis dans leurs propriétés finales. Ces matériaux bioinspirés ultra performants pourront être utilisés dans des domaines variés comme l’aérospatial, l’optique, la robotique, la catalyse ou encore l’ingénierie tissulaire », conclut-il.

VIDEO Biomineral Ruffoni

Référence scientifique

Andrew J. Lew, Cayla A. Stifler, Alexandra Tits, Connor A. Schmidt, Andreas Scholl, Astrid Cantamessa, Laura Müller, Yann Delaunois, Philippe Compère, Davide Ruffoni, Markus J. Buehler, Pupa U. P. A. Gilbert,  A Molecular Scale Understanding of Misorientation Toughening in Corals and Seashells, Advanced Materials, 02 March 2023.

Article disponible en open access : https://doi.org/10.1002/adma.202300373

Contact chercheur·euses ULiège

Pr David Ruffoni 

Dr. Alexandra Tits

Astrid Cantamessa 

Laura Müller

Philippe Compère

Yann Delaunois

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