Une publication dans Natural Sciences

Quand l’exosquelette d’un crustacé devient un harpon biologique remarquable



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Une étude multidisciplinaire impliquant trois laboratoires de l’Université de Liège a eu recourt à plusieurs méthodes de caractérisation des sciences de matériaux afin d’étudier en détail les épines de la mante marine, un harpon biologique à base de chitine - Plusieurs aspects concernant à la fois la morphologie, la composition, la microstructure et la biomécanique de ces épines ont été révélés et suggèrent comment ce harpon parvient à combiner haute rigidité, grande résistance et faible poids. Les résultats de cette étude font l’objet de la couverture et d’une publication dans le journal Natural Sciences.

L

a nature est une source d’inspiration infinie lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux matériaux d’ingénierie. Les mantes marines ravisseuses, ou squilles, sont des crustacés agressifs exploitant leurs membres dotés d’épines acérées qui leur permettent de capturer les poissons. Ces pattes se déploient très rapidement et leurs épines doivent donc combiner une haute résistance, requise par l’impact initial avec la proie, avec une force et une rigidité considérables, afin d’assurer une pénétration tout en évitant la rupture. Dans le cadre de sa thèse, Yann Delaunois, co-supervisé par Philipe Compère du laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive (FOCUS/Faculté des Sciences) et Davide Ruffoni du laboratoire MBBM (Faculté des Sciences Appliquées / A&M), a effectué une analyse multidisciplinaire afin de dévoiler les stratégies de conception de ces harpons biologiques. Ce travail a été réalisé en étroite collaboration avec Alexandra Tits et Quentin Grossman du labo MBBM, Sarah Smeets du labo de Morphologie fonctionnelle et évolutive (FOCUS), Cédric Malherbe et Gauthier Eppe de l’unité de recherches MolSys (Faculté des Sciences) et Harry van Lenthe, chercheur à la KULeuven.

“L’objectif central du projet était d’élucider la relation structure-fonction et le comportement mécanique de l’épine,” explique Yann Delaunois, en charge du projet de recherche. Pour ce faire, l’expertise de plusieurs laboratoires a été exploitée afin de combiner de nombreuses techniques, incluant de la tomographie aux rayons X assistée par ordinateur, de la microscopie électronique, de la spectroscopie, de la nanoindentation et de l’impression 3D multimatériaux. « Nous avons découvert que chaque épine de la mante est une sorte de cylindre creux et légèrement crochu, dont la surface extérieure est ornée de serrations et de sillons, permettant d’améliorer l’aspect tranchant et l’attachement à la proie. Le matériaux constituant l’épine est un exosquelette qui est un composite multicouche dans lequel chaque région est caractérisée par une morphologie et une mécanique spécifique ». La découverte centrale de l’étude est la présence d’une interphase minuscule, permettant d’intégrer les régions externe et interne dont les propriétés sont très différentes, dans cette si petite région qui a la capacité remarquable d’entraver la propagation de fissures. « Afin de mettre en évidence le rôle mécanique de cette interphase, nous avons utilisé de l’impression 3D multimatériaux, reproduisant, dans des matériaux synthétiques, les principes de construction que nous avions observés » continue le jeune chercheur. Ces tests ont révélé que les composites inspirés des épines disposaient d’une meilleure résistance aux dommages.  

Illustration Harpon mante marine

Les mantes marines ravisseuses sont des crustacés agressifs exploitant leurs membres dotés de épines acérées pour capturer les poissons en un mouvement rapide. En combinant de la microscopie électronique à balayage, de la tomographie aux rayons X assistée par ordinateur (micro-CT), de la nanoindentation (nIND) et de l’impression 3D, une interphase intégrant les couches externe et interne de l’épine, toutes deux ayant des morphologies et des comportements mécaniques très distincts, a été révélée. Cette interphase s’est révélée capable non seulement d’entraver la propagation des fissures, mais aussi d’améliorer la résistance à la perforation de la pointe. ©Université de Liège

“En vue du progrès perpétuel des méthodes de fabrication à l’échelle nano et micrométrique, l’outil biologique que nous avons étudié pourrait inspirer la conception de nouveaux composites synthétiques à base d’unités de construction recyclables et respectueuses de l’environnement, comme observé dans la cuticule. Les capacités supérieures de résistance à l’usure et à la perforation relevées pourraient être utiles pour un perçage répété sur différentes surfaces, par exemple», conclut Davide Ruffoni, directeur du laboratoire MBBM et co-superviseur du projet.

Référence scientifique

Yann Delaunois, Alexandra Tits, Quentin Grossman, Sarah Smeets, Cedric Malherbe, Gauthier Eppe, Harry van Lenthe, Davide Ruffoni, and Philippe Compere, Design Strategies of the Mantis Shrimp Spike: How the Crustacean Cuticle Became a Remarkable Biological Harpoon?, Natural Sciences, 9 March 2023.

L’article est disponible en accès libre : https://doi.org/10.1002/ntls.20220060

Vos contacts à l’ULiège

Dr. Yann Delaunois

Dr. Alexandra Tits

Quentin Grossman

Sarah Smeets

Cédric Malherbe

Gauthier Eppe

Pr David Ruffoni

Pr Philippe Compère

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